she was not made for everyone

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ft. @Raven Rowe & @Ezekiel Ortega

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La musique pop rock me détend instantanément. Ou peut-être que c’est le très bon Sex on the beach qu’on m’a servi. Cette semaine à Nevermore a été… intense. Intense parce que je n’ai plus l’habitude de donner cours à des élèves motivés, intense parce que je n’ai pas l’habitude de côtoyer autant de créatures surnaturelles d’un coup. J’ai demandé à Jake si j’arriverais à m’y faire, un jour – supporter tout cette partie du monde dont j’ignorais tout, quelques années plus tôt. Il m’a dit que ça pouvait passer, avec le temps. Que ça finirait par ressembler à une vieille cicatrice, dont la douleur se rappelle à nous, de temps en temps. J’imagine que ça fait partie de moi, désormais.

Alors je bois. Bon, j’ai toujours pas mal bu de mon vivant, alors ça doit être normal que je le fasse dans ma mort aussi. J’aime faire la fête, me laisser bercer par la musique et les conversations autour de moi. Jake a passé une petite heure à mes côtés avant de me fausser compagnie pour date Tinder. Je l’ai taquiné mais il a haussé les épaules, comme si ça n’avait pas d’importance – mais moi, je sais que ça en a, pour lui. Il aimerait trouver quelqu’un, au-delà de ma princière présence à ses côtés. Nous ne partageons pas les sentiments qu’il recherche. Parfois, je crois que je ne pourrai plus jamais ressentir ce genre de choses du tout. Comme si mon cœur était mort par la même occasion, embrasé par la culpabilité. « Tu devrais songer à te dégoter un toy boy, ‘ven, ça te détendrait tu sais, m’a-t-il dit avant de s’échapper. » Un toy boy, hein ? Pour quoi faire ? Prendre un plaisir éphémère le temps d’une nuit ? Je n’arrive plus à dessiner d’avenir, je n’arrive plus à concevoir que quelque chose de bien m’attend, quelque part. J’ai l’impression d’avoir été maudite dans cette ruelle et que rien ne pourra changer cet état de fait.

Bon, tu pourrais juste faire un effort, pour une fois. J’ai pourtant l’impression d’en faire à l’université, mais ça ne semble pas suffire. Je regarde mon livre posé sur la table devant moi : je pensais qu’une petite relecture de The Great Gatsby me redonnerait le sourire, mais c’est un leurre. Je scrute le bar à la recherche d’une tête connue – un prof ? un étudiant ? –, pèse le pour et le contre au sujet de ce qu’a dit Jake. Soudainement, je repère un homme, assis au bar, seul. De mon angle de vue, je repère sa mâchoire carrée et dure, la fine barbe claire qui la recouvre… Il a l’air seul, un peu triste et l’odeur d’après-rasage et de parfum qu’il dégage a l’air… appétissante. Je n’aime pas penser aux gens de cette manière, mais c’est ainsi que mon nouveau corps fonctionne. Ni une, ni deux, je m’extirpe de mon siège, récupère mon livre abandonné à la moitié et dépose mon cocktail sur le bar. « J’en aimerais un autre, s’il vous plaît. » Je jette un coup d’œil à l’homme près de moi, « l’inconnu du bar » et songe à toutes ces soirées avec Nina où l’on se mettait au défi de séduire un homme choisi dans la boîte ou le bar où nous nous trouvions. Mon cœur se serre en songeant qu’il aurait été totalement son type. D’ailleurs, les traits de son visage me disent quelque chose mais… je crois tellement de gens dans cette ville et à l’université, que je pourrais simplement le confondre avec quelqu’un d’autre. Il relève soudainement la tête, plongeant son regard dans le mien. « Le fond de votre verre est intéressant ? le taquiné-je, tandis qu’il retourne à sa boisson. Qu’est-ce que vous buvez ? » Sourire charmeur sur les lèvres, cheveux qu’on passe derrière l’épaule. Je connais la rengaine par cœur et l’espace d’un instant, je retrouve l’ancienne Raven, celle qui ne se souciait de pas grand-chose si ce n’est s’amuser. Celle qui pouvait draguer un type juste pour le plaisir, et qu’il n’avait pas constamment le goût des cendres sur le bout de la langue. Celle qui n’avait pas tué sa meilleure amie. Le barman m’apporte finalement mon verre, et je le lève vers l’inconnu : « à la vôtre ! ».

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Besoin d'une pause. De décompresser. D'oublier ne serait-ce qu'un instant. Sinon tu vas finir par exploser. Tu n'es pas du genre pilier de bar mais ce soir tu as besoin d'un remontant.  Alors, pour une fois, tu décides d'aller en ville, plutôt que d'être seul sur ton canapé. Tes pas te mènent jusqu'au bar animé de la ville. Celui qui a le plus de succès. Tu entres sur les lieux déjà bondés. Les gens sont enjoués, certains même dansent sur la musique que crachent les enceintes dont le son est presque saturé. Un brouhaha permanent dont tu n'as pas l'habitude mais pour lequel tu parviens à t'habituer. Coup d’œil circulaire. A voir les gens ainsi, tu oublierais presque où tu es. Dans quelle ville. Rien ne laisse entrevoir qu'il ne s’agit pas d'humains pour certains. Tout paraît normal. Mais toi, tu n'oublies pas. Et même si tu te diriges vers le bar d'un air nonchalant et détaché, tu restes malgré tout sur tes gardes.                    

Tu ne sais pas depuis combien de temps tu es là, mais ce n'est clairement pas ton premier verre. Pas alcoolique, mais suffisamment habitué, depuis toutes ces années, à prendre un verre pour que ta limite soit haute. Tu ne prêtes pas trop attention aux gens autour de toi, perdu dans tes pensées, le nez dans le nouveau verre que tu viens de commander. Voix féminine qui s'élève à côté de toi. Que tu ne relèves pas. Pourtant, c'est bien ta tête qui se lève pour la regarder. Et c'est presque trop beau pour être vrai. C'est elle. Tu ne sais pas si c'est un signe du destin ou si le karma se joue de toi. Tu gardes ton sang-froid. Question qu'elle te pose et à laquelle tu ne réponds pas. Le sarcasme, très peu pour toi.

Et pourtant, nouvelle question posée. Attention à nouveau captée. Cheveux jetés en arrière, sourire à tomber. Dans une autre vie, en d'autres circonstances... Probablement que tu aurais pu t'y intéresser. Que tu aurais été réceptif à son petit jeu de séduction. Elle a du charme, tu ne peux pas le nier. Mais tu n'oublies pas qui elle est. Surtout ce qu'elle est... « Bourbon. Rien de bien original » que tu te contentes de répondre dans un premier temps en haussant les épaules, avant de prendre une gorgée. Tu devrais le finir d'une traite et quitter les lieux. Rentrer chez toi sans te retourner maintenant que tu sais qu'elle est bien là, que l'information que l'on t'a donné sur Jericho est avérée..

Mais ce n'est pas ce que tu fais. L'occasion est trop belle. Presque inespérée... « Et vous ? » que tu retournes la question en désignant son verre du menton que le serveur vient tout juste de lui apporter. Tu amorces la conversation. Un cocktail à n'en point douter. Pas très surprenant. Et en même temps la nostalgie te prend. Tu te souviens que Nina adorait ça... La brune lève son verre pour trinquer, te sortant de tes pensées. Alors tu lèves également ton verre, le faisant ainsi tinter contre le sien. « Santé ! » que tu lâches, enjoué, avant de boire un coup. Silence un instant. Tu réfléchis à quoi dire pour ne pas qu'elle tourne les talons et retourne vaquer à ses occupations. « Alors, comment se fait-il qu'une jolie fille telle que vous se retrouve seule dans un bar comme celui-là ? » que tu finis par demander. Ouai, tu es un peu rouillé. Des années que tu n'as pas flirté.  

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« Bourbon. Rien de bien original. » Sa voix est rauque et suave, comme l’alcool qu’il est en train de boire. Je ne la reconnais pas, décide de laisser passer cette idée étrange comme quoi je l’aurais déjà vu quelque part. Je me serais souvenue de ce genre de voix masculine. Si son intérêt semblait limité au départ, il a l’air plus réceptif en me jetant un coup d’œil (apparemment appréciateur). Je ne préfère pas m’avancer sur la raison de sa présence au bar, et surtout, pourquoi il décide soudainement de m’accorder de l’importance – ce pourrait être mes yeux de biche ou tout simplement l’ennui et la langueur provoquée par le lieu.

« N’y voyez pas un appel du pied, mais c’est un Sex on the beach. Généralement mon préféré, même si beaucoup de barmans ne savent pas bien le préparer. » Je ne sais pas trop pourquoi je dis ça. Je ne sais même pas vraiment pourquoi je lui parle, si ce n’est que son physique n’est pas désagréable à regarder. Mais à peine ai-je essayé de retrouver un peu de légèreté que le poids de mon cœur se rappelle dans ma poitrine. Que la culpabilité se rappelle à moi, meilleure amie qui ne semble jamais me lâcher. Hey, n'oublie pas que tu as quelqu’un à pleurer, et que tu ne devrais pas avoir le droit de sourire. Pas quand elle repose six pieds sous terre par ta faute.

Nous trinquons et je prends une nouvelle gorgée, tente d’atténuer toutes ces pensées volatiles et désagréables. « Alors, comment se fait-il qu'une jolie fille telle que vous se retrouve seule dans un bar comme celui-là ? » Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Et le rouge me monte aux joues, comme une gamine qui n’a pas flirté depuis des années -et c’est le cas, quelque part. Mon ton beaucoup plus pâle depuis ma transformation laisse transparaître beaucoup plus facilement mes émotions et je suis sûre qu’il va le remarquer. « Voilà longtemps que vous n’avez pas abordé une fille dans un bar, n’est-ce pas ? Ça tombe bien, ça fait longtemps que je n’ai pas eu envie qu’on m’alpague. Mais je ne sais pas, entre deux âmes solitaires… » Je pousse un soupir un peu théâtral, un peu véridique aussi. « Pour être honnête, ce sont mes amis qui m’ont dit que je me coupais du monde et que je ferais mieux de me remettre en selle. Et il faut croire que vous êtes mon étalon. Et merci d'avoir dit que j'étais jolie. » Je lui retourne un petit sourire, essayant d’être honnête avec lui. « En tout bien tout honneur, évidemment ! Je peux ? demandé-je en pointant le tabouret haut à côté de l’homme. » Après tout, peut-être qu’il disait ça pour ne pas être désagréable…

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Sex on the beach. Un nom de cocktail qui ne t'es pas inconnu. Le préféré de ta défunte fiancée. Sacrée coïncidence quand on y pense... Mais tu ne préfères pas y penser. Te disant qu'il s'agit d'une boisson lambda, celle avec le plus de succès. Tu te contentes de sourire à la jeune femme, tout en buvant une gorgée de ta boisson. Tu es maussade, un peu sur la défensive, mais tu sais que tu dois te saisir de cette opportunité qui t'es présentée. Des années que tu lui cours après, sans jamais l'attraper. Et voilà que subitement le destin se décide enfin à la mettre sur ton chemin. Alors, tu te métamorphoses. Te montres soudainement plus enjoué. Comme si elle t'avait tapé dans l’œil. Comme si elle te plaisait. Un petit jeu de séduction se met en place. Un jeu que tu joues à la perfection, ou presque. Tu es rouillé. Des années que tu n'as pas pratiqué. Elle se met à rire, et tu en serais presque vexé. Tu fronces légèrement les sourcils, avant de boire de nouveau. Mais même si elle se moque de toi, le rouge qui lui monte aux joues ne t'échappe pas. Bingo. « Touché » que tu répliques en haussant les épaules et grimaçant, lorsqu'elle met en lumière ton manque de pratique. Mais tu ne t'en caches pas. Comme ça, elle voit que tu n'es pas un Don Juan. Que ce n'est pas dans tes habitudes de draguer tout ce qui a une paire de seins. L’ambiguïté de ses propos te fait arquer un sourcil. Alors, comme ça tu lui plais ? Intéressant. Un avantage dont tu dois tirer profit. Sourire charmeur que tu lui offres tout en plongeant ton regard intense dans le sien. Un court laps de temps. Quelques secondes qui pourtant peuvent faire toute la différence. Son honnêteté te surprend. Son rentre dedans évident également. Elle n'a pas froid aux yeux la vampire. En même temps... « Je suis chanceux alors » que tu souffles lorsqu'elle avoue que tu es sa cible de la soirée. Nouveau sourire. « Mais je le pense » que tu affirmes sur le compliment donné. Et c'est la vérité. Elle est jolie, vraiment très jolie. Un charme que tu ne peux pas nier. Et à en croire les regards appuyés des hommes autour, tu n'es pas le seul à qui elle fait de l'effet. Mais tu n'oublies pas qui elle est. Et pourquoi tu fais ce que tu fais. Jamais. « Je vous en prie » que tu dis en désignant le tabouret vide à côté de toi. Acceptant ainsi sa compagnie. Et la belle ne perd pas de temps à s'installer à ses côtés. Tu en profites pour alpaguer le barman, afin qu'il te sert la même chose. « Alors, vous faites quoi dans la vie ? » que tu questionne en attendant ta boisson, histoire d'entamer la conversation et d'en apprendre plus sur elle. Lui soutirer des informations dont tu espères pouvoir tirer partie ensuite.

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ft. @Raven Rowe & @Ezekiel Ortega

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L’homme caché sous sa fine barbe finit par se dérider, comme si lui aussi, devait s’adapter à une situation à laquelle il n’est pas habitué. « Touché. » Petite information qui me rassure ; je n’ai pas honte de le dire, si j’ai été une femme fatale à une époque où le cœur des hommes ne semblait plus revêtir de secrets pour moi, aujourd’hui… Aujourd’hui, c’est bien différent, comme si j’avais perdu le goût à tout. Comme si, ce nouveau voile sur mes sens avait vidé de sa substance tout l’intérêt d’une soirée enivrée, à discuter avec des hommes intéressés. Peut-être qu’aujourd’hui, la vie me laisse un goût de cendre sur le bout de la langue, et que je n’ose plus m’approcher des autres. Peut-être aussi parce que je ne le mérite pas. Ou alors parce que tout cela n'était drôle que quand elle était là.

Ses lèvres fines s’étirent en un sourire charmeur. « Je suis chanceux alors, souffle-t-il. » Je ne suis pas certaine de saisir l’intégralité du sous-entendu ; sa voix rauque témoigne d’un passé lourd, ou en tout cas, que tout ce cirque n’est pas anodin. Nous ne sommes pas seulement deux inconnus assis à un bar ; mais plutôt deux êtres qui tentent d’huiler leurs rouages, de se donner l’impression d’être, comme les autres. Mais ça fonctionne plutôt bien, car il me désigne le tabouret vide à côté de lui. Nouvelle tournée commandée au barman, et ça y est, c’est là que le bât blesse. Jusque-là, je pouvais minauder, faire comme si tout cela était toujours dans mes cordes, mais à ce moment-là. Quand son parfum s’instille dans mes narines, que je peux scruter la moindre nuance dans ses prunelles… « Dites-moi, on se connaît ? J’ai eu l’impression de vous avoir déjà vu. Ne me dites pas que vous êtes un parent d’élève ! Ce serait délicat pour moi de continuer à vous draguer ouvertement. Car je suis professeur. De littérature. » Je sors un instant le bouquin que je suis en train de lire. Certaines hommes trouvent les intello très sexy. D’autres me trouvent ennuyantes. Parfois, j’ai envie de leur dire de faire un petit tour dans mon esprit, et de voir si c’est vraiment ennuyeux… mais je m’égare. « Vous lisez ? Je dirais que vous avez un travail plutôt physique. » Je lui retourne un clin d’œil et lui indique ses mains. Elles semblent calleuses et habituées à être utilisées. « Non pas ce que ce soit négatif. Les hommes qui savent utiliser leurs mains ont d'autres avantages. » Non Raven, ne va pas dans le sous-entendu salace des doigts !

On pourrait jouer à ce fameux jeu qu’aiment les adolescents – tu bois, j’te pose une question, tu bois, pas forcément dans cet ordre-là, et souvent c’est très alcoolisé. Mais ça aussi… je ne sais pas si j’ai encore le goût. Car mon Sex on the Beach semble bien fade s’il n’est pas noyé sous la vodka. Et que mon métabolisme se rappellera bientôt à moi – l’alcool n’endigue pas la faim, au contraire, il la catalyse.
Et je ne veux vraiment pas songer à ma nourriture pour le moment.

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La discussion s'amorce. Jeune femme prenant place sur le tabouret à tes côtés. Dans tes filets. Maintenant, il s'agit de ne pas la laisser filer. Garder son calme, être méthodique. Faire preuve de charisme et réussir à flirter. Tu es rouillé, mais cela ne semble pas l'effrayer, au contraire. Tant mieux. Tu te sens soulagé. Des années à lui courir après. Ce serait bête de la voir s'échapper tout ça parce que tu ne sais plus y faire avec les femmes. Regard qui se perd sur ses traits. Et à chaque fois tu te dis que c'est un beau gâchis. Nouveau verre de bourbon déposé, que tu t'empresses d'attraper. Heureusement que ton ami alcool est là pour t'aider. Nouveau coup d'oeil vers la vampire pour constater qu'elle entame également son deuxième cocktail. Pensées qui dérivent un instant vers Nina. Tu te forces à ne pas te laisser submerger. Revenir dans l'instant présent de par la voix de la jeune femme à tes côtés. Jeune ? Au final tu n'en sais rien. En tout cas, physiquement, elle n'a pas plus de 30 ans. Peut-être même moins. Informations glanées l'air de rien, de par ses propos. Alors comme ça elle est professeur à l’université de Nevermore ? Renseignement important, presque crucial. Que tu n'es pas prêt d'oublier. Tu secoues la tête de gauche à droite avant de lui répondre. « Je ne crois pas » que tu commences, prenant une gorgée de ta boisson. « Je me serais souvenu d'un si joli visage » que tu complimentes, l'air de rien. Ton côté charmeur qui commence à reprendre le dessus enfin. « Je ne suis pas ici depuis longtemps. » que tu précises, avant de le regretter instantanément. Rien de bien important, mais c'est déjà trop te concernant. « Et pas d'enfants » que tu ajoutes rapidement, un peu pour noyer le poisson. Et comme pour justifier le fait que tu puisses voyager. Message que tu fais passer. Pas d'attache pour t'en empêcher. « Vous avez l'oeil ! » que tu t'exclames après avoir repris un peu de ta boisson. « J'suis pas un intellectuel » que tu confirmes ses dires, en observant tes mains un instant. Pas le temps de lire, ton boulot de chasseur, en plus de ton travail officiel, ont de quoi t'occuper suffisamment. Nouvelle remarque de la part de la demoiselle, qui te fait rire à gorge déployée. Tu as l'esprit plutôt mal tourné. Tu l'as toujours eu. Alors, ses sous-entendus, tu les captes directement. Le genre de chose avec lequel ta fiancée adorait s'amuser. Pensée que tu chasses rapidement. « J'suis mécanicien. Du coup oui, on peut dire que je suis habile de mes doigts... » que tu souffles, rentrant dans son jeu, petit sourire en coin. La soirée bien plus agréable que tu ne l'avais imaginée à l'instant même où tu avais reconnu ses traits. Mais tu sais que tu ne dois pas te laisser amadouer. C'est toi qui tire les ficelles, et non l'inverse. Tu ne dois pas l'oublier. « Est-ce que j'ai le droit de savoir votre nom ? » que tu finis par demander, plongeant ton regard intense dans le sien.

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« Je ne crois pas, je me serais souvenu d’un si joli visage. » J’étouffe un petit rire en entendant le début de sa phrase. Elle a un instant cru qu’il ne savait pas s’il était parent d’élèves. D’un autre côté, elle connaît assez de gosses délaissés par leurs parents pour savoir que ce serait possible. Certains se moquent bien de savoir ce que fait leur progéniture, tant que la police n’est pas impliquée.

« Je ne suis pas ici depuis longtemps. » Je ne suis pas vraiment étonnée ; Jericho semble être une ville de passage, où les âmes s’arrêtent quelques mois pour réapprendre à respirer avant de s’enfuir avec les ombres. Peut-être que ce sera mon cas aussi. Peut-être que les fantômes sur mes talons finiront par me rattraper et me forcer à fuir de nouveau. Et alors, moi aussi, je ne serai que de passage. « Et pas d’enfants, » ajoute-t-il prudemment, comme s'il avait saisi la raison de mon rire. L’homme n’a pas d’attache, comme beaucoup par ici.

« Je vous avez l’œil, j’suis pas un intellectuel… » Et mon sous-entendu lubrique semble le faire rire. Je lui coule un regard étonné face au carillon de son rire, un son que je ne m’attendais pas à entendre si vite de sa part. L’espace d’un instant, son visage s’allume, son âme semble réchauffer ses traits. Ce n’est que maintenant que je réalise combien sa mâchoire pouvait être dure et carrée… Combien ses prunelles pouvaient être assombrie par un tourment qu’on ne peut saisir en un échange que l’on a sur un comptoir de bar. « J’suis mécanicien. Du coup, oui, on peut dire que je suis habile de mes doigts. » Et je souris, comme une idiote, parce qu’au final, je suis plus contente de lui avoir arraché un rire que d’avoir appris quelque chose à son sujet. Peut-être que je sais encore faire, au moins un peu. « Est-ce que j’ai le droit de savoir votre nom ? » Il me regarde, me scrute presque, et quelque chose d’étrange se répand dans mes entrailles. Pas ces fameux papillons dont tout el monde parle, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, mais… des chenilles. Oui, voilà. Et cela faisait très, très, très longtemps, que je n’avais pas vu une chenille. « Seulement parce que c’est vous. Raven. Un mauvais présage, me disait-on souvent. » Je n’ai pas pu m’empêcher de laisser entrevoir cette fêlure en moi, cette blessure que je porte depuis tous ces mois de nomade. Depuis cette fameuse nuit. Je pensais pouvoir me protéger de cette théorie, mais désormais, je me considère vraiment comme un mauvais présage. Pour ma meilleure amie, pour le vampire qui m’a transformée et qui s’est retrouvé embarqué dans ce voyage sans queue ni tête…

« Et vous ? Même si « le mécano » est un surnom assez sexy à raconter à mes copines la prochaine fois qu’on sortira entre filles, je veux bien mettre un nom sur ce visage, moi aussi. Et puis, peut-être qu’on sera amenés à se retrouver si… Si j’ai besoin de réparer quelque chose. » Je hausse un sourcil, amusée, le taquine. J’imagine qu’on a dû lui faire mille fois le cœur ou la tuyauterie à réparer, selon le niveau de romantisme de la demoiselle. « Je ne suis pas là depuis longtemps non plus. Mais pourquoi un mécano a-t-il été attiré dans cette ville en particulier ? Vous avez de la famille dans le coin ? » Poser pleins de questions, noyer le poisson, pour éviter qu’il ne s’intéresse de trop à moi. Parce qu’il y aurait des trous dans mon histoire que je ne saurais expliquer, des erreurs que je ne veux pas aborder, et des faiblesses qui pourraient me briser. Bel inconnu, distrais-moi. Le temps que les pensées noires s’effacent. Ou que l’alcool fasse effet, ce qui commence à être le cas.