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TW: allusions au deuil.

Déjà presque quatre heures que le service d’Emily avait commencé, mais comme d’habitude, elle ne les avait pas vues passer. Les visages s’étaient succédés, les commandes, les cafés et viennoiseries également. Aux premiers chauffeurs et conducteurs du matin avaient suivi les travailleurs en pause, puis après eux encore les clients du weekend qui sortaient prendre leur petit-déjeuner dans un autre cadre que chez eux, préparé par d’autres mains que les leurs. Un peu de repos bien mérité après la cohue de la semaine. A l’arrivée des premiers étudiants assis avec leurs notes sur les tables de la Tavern, Emily sentait que la matinée allait bientôt passer au déjeuner, sonnant la fin de son service.

-Deux lattes et un mocha.
-Ce sera tout? Quelque chose à manger avec ça?
Quelques secondes d’hésitation, le temps de parcourir les pâtisseries disponibles du regard.
-Un cinnamon roll s’il-vous-plaît.
-Allez vous asseoir, je vous amène tout ça.

En s’adressant à ses clients, et en préparant leur commande, Emily avait le visage neutre d’une hôtesse de maison funèbre. Son patron lui avait fait suffisamment la remarque pour qu’elle ne soit plus insolente, mais elle ne pouvait tout simplement pas se forcer à sourire de toutes ses dents (ou alors c’était un réflexe primaire de prédateur réservé aux pires de ses clients). Toutes ces phrases, ces “que puis-je faire pour vous?” “Qu’est-ce qui vous ferait plaisir?”, elle les récitait comme des répliques de théâtre, comme un rôle qu’elle jouait. Et s’en était un, en vérité.

Cela n’avait jamais été qu’un boulot gagne-pain, dont elle ne tirait aucune satisfaction, et que peu de fierté. Elle avait essayé de trouver une certaine joie de permettre à ses clients de passer un bon moment. Mais tout lui paraissait terriblement futile. Dérisoire. Nettoyer une table après l’autre sans jamais s’y asseoir. Ne pouvaient-ils pas être un peu plus propres et débarrasser eux-même?  Les attendre pendant qu’ils choisissaient la taille de leur boisson chaude et le type de lait qu’ils voulaient, comme si leur vie en dépendait, alors que tout cela serait bu, digéré et pissé d’ici deux heures. Pour passer le temps et lui éviter de perdre la tête, ou plutôt son emploi, Emily avait commencé à improviser des créations qu’elle dessinait dans la mousse des cafés qu’elle servait… Aucune fleur cependant, aucun cœur, pas trace de félins. L’on y trouvait que fantômes, toiles d’araignées et squelettes. A Halloween, personne n’en était étonné. Ils étaient même un grand succès, et sans doute la seule raison pour laquelle Emily travaillait encore à la Jericho’s Tavern. Mais arrivé Décembre, puis Février, et encore en plein été, ses créations quelque peu macabres haussaient certains sourcils. Mais c’était ce qui lui venait. Elle ne pouvait créer que quelque chose de sincère. Les autres mièvreries lui paraissaient fausses, hypocrites, qui ne méritaient pas qu’elle y dépense du temps et de l’énergie.

Une fois ses commandes préparées et servies, Emily revint derrière le comptoir, ses boucles rousses dansantes au-dessus des bretelles de son tablier.

-Bonjour. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir? demanda-t-elle à sa prochaine cliente. Les mots étaient là, mais son intonation aurait été la même si elle avait demandé si elle préférait du pin ou du chêne pour le cercueil de sa mère.

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De corvée, le jeune rouquin s’était fait prendre à tricher lors d’un devoir. Rien de vraiment important, mais assez pour le punir durant le weekend entier en espérant qu’il puisse réfléchir à ses actions. Le directeur de l’école avait pourtant été clément avec lui puisque les règlements de l’école étaient clairs en cas triche. Jacobi avait hérité de la lourde tâche d’aller chercher en ville les décorations pour la fête qui s’organisait pour la semaine prochaine dans l’établissement renommer pour accueillir les montres de Jericho. Bien qu’il fuyait ce genre de rassemblement où il avait toujours l’impression de ne pas être le bienvenu, il faut dire que cette fois, il avait plutôt envie de s’y pointer pour voir qu’est-ce qu’il pourrait bien s’y tramer comme drame. Plusieurs potins circulaient comme quoi l’une de ses collègues de classe aurait trompé son copain et il allait lui remettre la monnaie de sa pièce devant tout le monde pendant cette fête. Jacobi était friand de ce genre de commérage et juste pour ça, ça valait la peine d’enfiler un costume et siroter une bière un peu chaude. Le comité d’organisation des événements lui avait donné une courte liste de quelques magasins dont il devait se rendre. Là-bas, il n’aurait qu’à prendre les commandes qui avaient déjà été passées depuis quelques jours. Au final, il n’avait pas à faire grand-chose autre que de perdre une bonne partie de son samedi après-midi. Le plan, c’était de s’arrêter dans le centre-ville puis de faire les quelques boutiques à pied, toute déposée dans l’auto et repartir flâner un peu avant de rentrer pour le repas.

Il stationna le véhicule de service devant la taverne où l’on disait servir les meilleurs cafés en ville. Titre qui aurait pu être valorisant si ce n’était qu’il était, en fait, le seul café en ville. En entrant dans le petit café, la clochette retentit juste au-dessus de sa tête. La première chose auquel il pensait, c’était le calvaire que devaient vivre les employés de la place à endurer ce son strident plusieurs fois par minute durant des heures. Heureusement, il ne semblait pas y avoir foule devant le comptoir pour y demander son breuvage, il allait pouvoir faire vite. Aujourd’hui, les températures étaient fraiches et un petit café pour commencer sa corvée serait définitivement d’un aide précieux. Pendant qu’il attendait, il remarqua au comptoir les boucles caricaturales d’une connaissance de longue date, Emily MacBride. Cette jeune femme était étudiante à Nevermore tout comme lui. Bien entendu, il connaissait la plupart sinon tous les étudiants du bahut, mais cette jeune femme était d’autant plus prêt de lui. Ils se sont connus en première année, quand Jacobi a commencé à fréquenter la méduse plus grande que nature : Guadalupe. On ne peut pas dire qu’Emily et lui soit en bon terme, mais on ne peut pas dire que c’était non plus l’amour fou. Du moins, c’est ce qu’il croyait. Il savait aussi que la relation entre elles et Lupe étaient sur un fils de fer c’est temps-ci, alors peut-être n’allait-elle pas nécessairement lui cracher en plein visage en le voyant. C’était à son tour, il s’avançait donc devant le petit comptoir tandis que la caissière devant lui terminait de placer l’argent dans la caisse de la cliente précédente. Un peu sans réfléchir, il prit une voix nasillarde, pour imiter une influenceuse un peu nunuche. « Frappuchino au caramel salé extra mousse, bouillant, avec un shot de menthe poivrée, coulis de caramel dulce de leche sur le dessus avec un nuage de lait de coco » avec emphase sur chaque fin de mot pour ajouter au personnage. Le visage de la jeune femme valait certainement la honte qu’il venait de se taper devant les autres clients qui attendaient leur breuvage autour de lui. Il échappa un petit rire avant d’ajouter « Non sans blague, juste un grand café filtre pour emporter steplais. » Il jouait un peu le malin, mais il ne savait pas comment elle allait réagir face à l’ex de sa bonne amie. À Nevermore, les clans étaient scindant et il ne fallait pas oscillé entre deux sous peine d’être exclue. Il n’allait pas lui en vouloir de choisir Guadalupe, mais il espérait simplement qu’elle n’allait pas cracher dans son café.