Enfant choyée. Gamine longuement désirée. Les Thatcher avaient perdu l’espoir d’avoir un enfant, quand Gladys est finalement tombée enceinte après neuf années de tentatives échouées. Le bébé du bonheur. Le destin tournait enfin en leur faveur. Ainsi, dès sa naissance, Madeleine fut traitée comme une petite princesse par toute la famille malgré le fait que ses parents venaient d’atteindre la quarantaine, ils firent de leur mieux pour l’élever entre le travail et la fatigue d’un âge avancé. Devenir parents aussi tard n’étaient pas dans leurs objectifs mais lorsque la vie vous fait un cadeau si merveilleux, vous ne pouvez pas passer à côté. Tout du moins, c’est ce que lui disait sa mère, mais Maddie n’a jamais été du même avis, concernant les enfants.

« Allez Maddie, fais un effort, fais abstraction de la douleur. » Gronda la voix d'un grand homme aux yeux verts.

Pour Madeleine, c'était plus facile à dire qu'à faire. Du haut de ses dix ans, la gamine apprenait encore à se servir de ses capacités. Elle avait pris un certain retard d'après lui et la jolie blondinette n'avait de cesse de faire des efforts. Ses os devenaient plus douloureux à mesure que les secondes passaient. Elle poussa un grognement, le visage se déformant petit à petit tandis qu'elle se recroquevillait sur elle-même. Elle devait réussir cette fois. Elle ne devait pas abandonner. Elle serait aussi douée que son père à l'avenir, mais sa tolérance à la douceur n'était pas des plus exemplaires.



Les doigts tremblants, Madeleine lisait les résultats de sa prise de sang en boucle, comme si cela allait changer quelque chose. Le regard inquiet, la jeune femme, tout juste âgée de vingt-et-un ans attendait patiemment que sa tendre mère ne rentre de sa balade matinale, les tripes au bord des lèvres. Enceinte. Elle était enceinte nom d’un chien ! Et ça, ce n’était clairement pas dans ses projets. Glissant nerveusement ses doigts sur le pelage du splendide Dobermann de ses parents, Madeleine laissa tomber la feuille de papier sur la table alors qu’elle venait poster sa tête contre celle du canidé en poussant un long soupire. Malheur. Il allait falloir qu’elle lui parle ? Peut-être qu’elle pouvait simplement ne rien dire ? Faire les choses à sa manière sans mettre qui que ce soit au courant ? Mais aurait-elle les épaules de porter un si lourd fardeau sur ses épaules en étant seule face à ses démons ?

« Oh, tu es déjà rentrée de ton rendez-vous ? »

Gladys venait de rentrer, tirant derrière elle son petit chariot rempli de bons légumes du marché du jeudi matin. Madeleine s’empressa de se lever pour venir aider sa mère à ranger ses courses avant de leur servir du café à toutes les deux.

« Quelque chose ne va pas, n’est-ce pas ? » Demanda sa mère de manière douce, le regard inquiet.

La jolie blonde répondit par une grimace tout en haussant des épaules, s’installant de nouveau à table avant de jouer nerveusement avec sa tasse fumante. L’odeur du café fit frémir la jeune femme avant qu’elle ne prenne une longue inspiration. Il fallait qu’elle crache le morceau. Après tout, Madeleine n’avait que sa mère sur qui compter. Les amis, c’est différent. Certains pourraient se permettre de la juger, elle le savait. Mais sa mère elle … jamais elle ne l’abandonnerait, peu importe ses choix, n’est-ce pas ? C’était elles deux contre le reste du monde depuis la mort soudaine de son père dans un accident de voiture, deux petites années plus tôt. Terrible choc ayant détruit madame Thatcher, bien qu’elle semblait plus forte qu’on ne pouvait le croire en la voyant.

« Je suis enceinte, maman. Et .. je … Enfin, j’ai pris rendez-vous pour … tu sais … Faire en sorte que ça disparaisse. » Lâcha finalement l’étudiante universitaire sans oser regarder celle qui l’avait mise au monde.

Les larmes lui montèrent aussitôt aux yeux et Madeleine étouffa un sanglot en prenant une grande gorgée de café brûlant. Sa gorge se fit douloureuse, mais ce n’était rien, à comparer de la douleur qui lui tiraillait le coeur. Elle n’avait pas le choix. Sa vie de jeune adulte ne pouvait pas débuter ainsi.



Pour Madeleine, la vie était un long fleuve tranquille, malgré la perte récente de sa tendre mère, elle avait décidé de ne pas rester plus longtemps dans cette ville qui l'avait vu naître et vieillir. Si la douleur était encore bien présente dans sa poitrine, la jolie blonde savait également que Gladys devait être soulagée d'avoir rejoint son époux qui les avait quittées toutes les deux, bien plus tôt qu'elles ne l'auraient voulues. Sa mère était fatiguée. Epuisée par la vie. A plus de soixante-dix ans, elle lui avait dit être prête à partir pour de bon. Essuyant rageusement ses larmes, la trentenaire laissa finalement les clés à l'agent immobilier qui avait pour charge de vendre la petite maison de ville de sa famille. Elle avait un train à prendre direction Jerico. Un poste au sein de l'établissement de Nevermore venait de se libérer et c'était pour elle, un signe du destin.

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Voilà désormais trois petites années que la jeune femme donnait ses cours aux élèves de Nevermore. Si elle était autrefois professeure dans un lycée normal, se retrouver au milieu d'espèces surnaturelles la rassurait. Elle se sentait à sa place ici, comme si elle était parmi les siens.

« Professeur Thatcher ? Avons-nous terminé ? » Demanda une jeune élève qui venait de lui quémander un devoir supplémentaire pour rattraper sa dernière note catastrophique, faisant sursauter la jolie blonde, aussitôt tirée de ses pensées.

« Oh oui, je suis navrée. Vous pouvez y aller, Ariana, je vous enverrai votre devoir par mail, si cela ne vous dérange pas. » Répondit aussitôt la jeune femme dans un doux sourire tout en se maudissant intérieurement d'être autant dans la lune depuis quelques temps.

Il fallait avouer qu’un joli rouquin lui faisait tourner la tête sans qu’elle ne puisse se défaire des sensations qu’il lui faisait ressentir. Un élève parmi tant d’autres qui pourtant, avait suscité son intérêt assez rapidement. Si Madeleine s’était toujours tenue à entretenir une simple relation de professeur-élève avec ce dernier malgré le temps passé à ses côtés, elle avait finit par craquer face à ses regards tendres et parfois un peu trop insistants. Une relation qu’ils se devaient tous les deux de garder secrètes. C’était interdit. Et même si Jacobi avait atteint la majorité depuis déjà quelques années, Madeleine savait pertinemment qu’elle risquait son travail pour une histoire d’amour bancale et pourtant si chaleureuse.